L’image manquante

Il y a quelques mois, une de mes meilleures amies travaillant pour une ONG à Phnom Penh au Cambodge me recommanda avec empressement de voir L’image manquante. Le film n’était évidemment pas disponible, mais vint novembre et les Rendez-vous du documentaire de Montréal (RIDM) nous le présentait et c’est dans une salle comble que j’ai eu la chance d’assister à la première montréalaise de cet intriguant documentaire.

L’image manquante nous transporte sous le régime des Khmers rouges de Pol Pot, au Cambodge. S’inspirant du « Grand bond en avant » et de la « Révolution culturelle » de Mao, Pol Pot força la population des villes à quitter la ville et à travailler dans les champs, vivant dans des communes et subissant constamment la chasse aux sorcières des anti-révolutionnaires.

L’image manquante, c’est toutes les archives photo et vidéo de cette période marquante de l’histoire du Cambodge, archives qui n’existent pas, ou qui ont été détruites. Le réalisateur de l’image manquante nous raconte son histoire à lui, son récit des événements, lui qui a survécu à ces « killing fields » des Khmer Rouges. Devant la nécessité historique d’illustrer son témoignage, mais faisant face à un défi impossible de retrouver des images pour y arriver, Rithy Panh recréera les scènes de ses souvenirs avec des figurines d’argile.

Le résultat est saisissant. Accompagnés des images d’archives existantes, le réalisateur complète ses souvenirs avec sa narration et un flot de ces « images manquantes », nous transportant sur place avec une étrange impression de réalisme. Le film est tout aussi captivant qu’il est intéressant. Possiblement que le médium sympathique de ces images manquantes permet de mieux tolérer la violence de fond du récit. C’est sans hésitation le documentaire le plus intéressant que j’ai vu aux RIDM cette année. Ce n’est pas par hasard que le Cambodge a choisi ce film, un documentaire, pour le représenter aux Oscars dans l’espoir d’obtenir une nomination en tant que meilleur film en langue étrangère. L’image manquante fait partie de la liste courte de 9 films encore en lice pour une de ces nominations. Je ne serais d’ailleurs pas surpris de voir le film être nominé dans deux catégories : Meilleure film en langue étrangère ainsi que Meilleur documentaire (Mise à jour: il l’a été seulement pour meilleur film en langue étrangère). L’image manquante n’est pas qu’un excellent documentaire, c’est un excellent film, toute catégorie confondue, qui s’est hissé en 4e position de mon Top 10 de l’année 2013. À voir!